Transplantation hépatique – Première partie

La greffe de foie liée aux hépatites virales

La greffe de foie consiste à remplacer chez un malade dont le foie est en très mauvais état et ne fonctionne plus, par l’intégralité ou plus rarement une partie du foie d’un donneur décédé. La greffe de foie, ou transplantation hépatique (TH) est le traitement de la dernière chance des malades du foie en stade terminal. Plus de 1000 greffes de foie sont effectuées chaque année en France, en grande partie liées aux hépatites virales.
La multiplication du virus de l’hépatite C (VHC) ou B (VHB) dans le foie provoque peu à peu une fibrose (le foie devient de plus en plus dur), qui en s’aggravant arrive au stade de cirrhose (stade de fibrose avancée où le foie, organe qui épure le sang, n’arrive plus à fonctionner correctement car la circulation sanguine dans le foie est entravée). Une fois la cirrhose installée, deux grandes complications peuvent survenir : la décompensation et/ou le cancer du foie, le carcinome hépatocellulaire (CHC). La cirrhose peut empirer, plus ou moins vite et se décompenser, avec son cortège de complications dues à la mauvaise circulation du sang dans le foie: l’ictère (couleur jaune de la peau), l’ascite (accumulation de liquide dans l’abdomen), l’hémorragie par rupture des varices œsophagiennes, l’encéphalopathie (confusion mentale transitoire due à l’accumulation de toxines que le foie n’arrive plus à éliminer) etc. C’est à ce stade que la greffe est faite, après le bilan pré-greffe, l’inscription sur une liste d’attente nationale et l’attente d’un greffon disponible.

Facteurs aggravants

L’alcool est un facteur multipliant par 7 le risque de fibrose au cours de l’hépatite virale. En cas de fibrose, l’alcool double ou triple la vitesse d’installation de la cirrhose (même en quantité modérée).

Les patients co-infectés VIH-VHC ont une progression plus rapide vers la cirrhose, quasiment multipliée par deux par rapport aux mono-infectés VHC, surtout en l’absence de traitement du VIH et/ou de CD4 bas, et la greffe doit être envisagée si possible avant les complications.

Les indications des greffes liées aux hépatites virales

La cirrhose décompensée, quelle qu’en soit la cause (alcool, hépatites virales..) et le cancer du foie sont les principales indications de TH (environ 80 % des greffes de foie en France). Le cancer représente 25 à 30 % des indications de greffe de foie. La majorité de ces cancers du foie surviennent chez des patients ayant une cirrhose due au VHC. C’est l’indication qui monte depuis quelques années, alors que les greffes pour cirrhoses virales C et B ont un peu diminué, grâce au progrès des traitements antiviraux et à une prise en charge plus précoce.

En France, en 2012, il y a eu 1161 greffes de foie, dont 105 pour cirrhose VHC, 24 pour cirrhose VHB ou VHB/VHD, 276 pour cancer, 35 pour hépatites fulminantes et 317 pour cirrhose alcoolique.

Qui peut avoir besoin d’une greffe?

Les patients mono-infectés par le VHC ou VHB ou co-infectés VIH-VHC ou VIH-VHB, avec une cirrhose décompensée ou avec un cancer sur cirrhose (compensée ou non) peuvent se voir proposer une greffe. Récemment, il a été montré que des personnes avec une stéatose (graisse dans le foie) pouvaient développer un cancer et ce sans cirrhose, voire même sans hépatite virale. L’hépatite fulminante, avec destruction du foie en quelques jours est également une indication de greffe, en super urgence. Certaines de ces hépatites fulminantes pourraient être évitées, car elles sont souvent dues a une contamination sexuelle par le VHB ou VHB/VHD (hépatite B et Delta) ou VHA, et rappelons qu’un vaccin efficace contre le VHB (et donc le VHD) existe, ainsi que contre l’hépatite A (70% des hépatites fulminantes virales sont dues au VHB ou VHB/VHD et 1% au VHA). Des médicaments peuvent aussi en être la cause, des antituberculeux, des anti-inflammatoires, ou le plus souvent, une dose excessive de paracétamol. Donc, vaccinez vous si pas déjà fait contre l’hépatite B et A, surtout si vous avez beaucoup de partenaires sexuels, et pas d’abus de paracétamol ni de Macdos…

Décision compliquée et encadrée
Il faut être à la fois sûr que la maladie ne va pas régresser, et que les risques de récidive sont faibles, contrôlables ou curables (VHB, VHC, cancer, alcool, etc.) au moins à court et moyen termes. Car la pénurie de greffons est bien réelle, et il ne faut pas « gaspiller » un greffon pour une personne dont l’état peut s’améliorer. Certains sortent de la liste d’attente car leur pronostic redevient meilleur et d’autres car la maladie s’aggrave et la greffe n’est plus envisageable. A l’inverse, pour un malade dont on est sur que le cancer va vite récidiver ou qui a déjà métastasé, la greffe n’est pas envisagée.

Dans le cas du VHB, un traitement efficace, qui va contrôler le virus peut permettre dans certains cas de revenir à une cirrhose compensée et d’éviter la greffe. Dans le cas du cancer, seuls certains patients peuvent être transplantés, la décision dépendant du stade du cancer et du risque de récidive sur le greffon. Le cancer doit être petit, avec des critères bien précis (Critères de Milan : tumeur unique, de moins de 5 cm et sans invasion vasculaire, ou pas plus de trois tumeurs de moins de 3 cm). Jusqu’en 1999, les greffes étaient interdites chez les séropositifs, en raison du pronostic incertain du VIH. En 1999, les premières greffes hépatiques de co-infectés ont été faites à l’hôpital Paul Brousse (Villejuif), qui a la plus grande expérience dans ce contexte.

Le bilan pré-greffe

Il faut donc être éligible à la greffe et les examens faits vont vérifier que les indications sont respectées. Il y a beaucoup de paramètres : état de santé du malade, âge, phase de la maladie, autres maladies co-existantes, diabète, etc. Beaucoup d’examens plus ou moins invasifs sont faits, en vue de préciser tous ces critères.

Pour la greffe hépatique, à la différence du rein et du cœur, la compatibilité génétique n’est pas indispensable, mais le groupe sanguin (ABO) doit être compatible.

Pour les greffes rénales, le complexe d’histocompatibilité HLA, qui précise les données immunogénétiques d’appariement entre donneur et receveur reste important.

L’évaluation de la gravité de la maladie hépatique est faite en utilisant le score MELD (Model for End-Stage Liver Disease), qui est calculé par un logarithme à partir de trois valeurs biologiques : la bilirubine, la créatinine et un indicateur de la coagulation sanguine. Le score va de 5 à 40 (40 étant le score le plus grave). Le score est réévalué très régulièrement.

L’attente sur la liste

C’est souvent pendant cette longue phase d’attente, que le traitement et/ou chirurgie du cancer est effectué (radio-fréquence, ablation de la tumeur..), et que le traitement du VHC est tenté ou retenté. Avec la bithérapie ou même la trithérapie de 1èregénération, il était compliqué voire impossible de traiter les patients en cirrhose décompensée, à cause de l’interféron. Les patients avec une cirrhose compensée pouvaient retenter le traitement. Avec les molécules en ATU, il devient possible de traiter par sofosbuvir et ribavirine ou sofosbuvir et daclatasvir ou siméprévir (selon le génotype du VHC, la réponse antérieure au traitement…) AVANT la greffe, ce qui permet si le traitement marche de ne pas avoir la récidive du VHC tant redoutée sur le nouveau foie et donc, un meilleur pronostic après la greffe. A l’avenir, il devrait y avoir moins d’indications de greffe pour les cirrhoses virales C si le VHC est traité plus tôt, plus efficacement et avec une meilleure tolérance par ces molécules attendues comme le saint graal.

Pénurie de greffons 

Les décès par accidents de la circulation ont diminué, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont mieux pris en charge et le taux de refus des familles, mal informées  reste stable. Parallèlement, les indications de la greffe se sont élargies (cancers, alcool, âge des receveurs…). Tout ceci explique la pénurie de greffons, qui a un peu augmenté par rapport à 2011. En 2012, en France, 1161 greffes de foie ont été réalisées, mais il y a plus de malades en attente que de greffons (2662 malades étaient en attente de greffe de foie), soit 2,3 candidats pour un greffon disponible. La moyenne de temps d’attente de la greffe hépatique est de 7 mois, parfois plus. En 2012, il y a eu 182 décès de patients sur la liste d’attente « foie » et 110 candidats à la TH sont sortis de la liste pour aggravation de la maladie contre-indiquant la TH et sont probablement décédés. Depuis plusieurs années, ce sont environ 30% de personnes co-infectées qui décèdent sur la liste d’attente, par aggravation de la maladie et manque de greffon à temps.

Donneur en mort cérébrale

Le prélèvement d’organe se fait sur des personnes en état de mort encéphalique ou cérébrale, mais dont le cœur bat et chez lesquels une oxygénation pulmonaire est maintenue artificiellement. Lorsque le cœur de la personne décédée continue de battre de façon « réflexe », les organes restent irrigués, oxygénés et ne se détériorent pas, ce qui permet une transplantation efficace.

La loi exige dans ce contexte où le cœur continue de battre que le diagnostic de mort soit confirmé (preuve que le cerveau est détruit), par deux électro-encéphalogrammes plats.

La majorité des donneurs prélevés sont des personnes qui décèdent à l’hôpital en état de mort encéphalique, suite à un arrêt vasculaire cérébral (AVC) ou un traumatisme crânien, mais cela concerne moins de 1% des décès à l’hôpital, alors que cette source d’organes représente plus de 90% des greffes réalisées en France.

Même si le défunt avait une carte de donneur d’organes, les proches sont informés sur la mort encéphalique et consultés avant le prélèvement. En l’absence de carte, on leur demande si la personne n’avait pas manifesté d’opposition de son vivant et leur accord. Mais depuis des années, très souvent, la famille n’est pas d’accord. La grande majorité des français se dit très favorable au don d’organes, mais le nombre de donneurs prélevés reste stable car l’opposition de la famille reste supérieure à 33 %, même si le défunt avait une carte de donneur. La loi Caillavet de 1976 est pourtant très explicite sur les possibilités de prélèvement : si une personne n’a pas signifié son refus d’être donneur d’organes, c’est qu’elle est favorable au don. En dehors des réticences religieuses, la famille est souvent opposée au prélèvement car le donneur potentiel, bien que mort, présente tous les symptômes de la vie (respiration, etc.) et/ou n’a jamais communiqué de son vivant son choix sur le don. La population générale ignore que la mort se manifeste par la destruction du cerveau, et non par l’arrêt du cœur.

Et d’ailleurs, la plupart des religions ne sont pas contre le don d’organes, Benoît XVI avait une carte de donneur d’organes et a toujours encouragé ce don. D’autres pays, comme l’Espagne, appliquent mieux « notre loi » et prélèvent les organes des défunts qui ne se sont pas opposés de leur vivant, quel que soit l’avis familial. C’est pourquoi, il est important d’en parler de son vivant et de connaitre la position de ses proches, car un AVC ou un accident peut arriver à n’importe qui, n’importe quand… Un donneur permet de faire en moyenne quatre greffes (deux greffes de rein, foie, cœur, poumon, pancréas, cornée, etc.)

Donneur décédé par arrêt cardiaque

En 2006, la France a lancé un programme de prélèvement sur donneur décédé après arrêt cardiaque dans certains centres. Mais en dehors des aspects éthiques, il faut plus de moyens matériels et humains car il faut entreprendre à temps une assistance respiratoire et cardiaque pour irriguer les organes avant le prélèvement (seuls les reins et le foie sont utilisés alors) tout en étant sur que la personne est bien morte et que la famille est d’accord. Souvent hélas, le foie est trop détérioré. En 2012, seules 3 TH ont été faites grâce à un donneur décédé par arrêt cardiaque et une seule a été couronnée de succès. La réévaluation des critères dits de Maastricht, afin de définir les donneurs potentiels et les modalités de prélèvement des donneurs par arrêt cardiaque, est en cours à l’Agence de la Biomédecine..

A qui va le greffon ?

La liste nationale d’attente est gérée par l’Agence de la biomédecine (ABM). C’est l’ABM qui orchestre 24 h/24 la répartition et l’attribution des organes. La répartition tient compte d’abord des priorités médicales, puis des déplacements géographiques auxquels seront soumis les greffons. Certains patients de la liste d’attente sont prioritaires : les enfants et les patients avec hépatite fulminante. En l’absence de receveur prioritaire, l’attribution du greffon hépatique se fait selon le score MELD qui reflète la gravité de l’atteinte du foie et va en général au plus malade (score MELD le plus élevé) des candidats compatibles au niveau sanguin. Si deux malades ont le même score MELD, la proximité joue un rôle, et c’est le malade le plus proche du lieu de prélèvement qui est greffé.

Car l’idéal est de réduire le temps entre le prélèvement et la greffe en diminuant la distance à parcourir pour préserver la qualité du greffon et optimiser la réussite de la greffe. Lorsqu’un greffon n’est adapté à aucun receveur en attente en France, il est proposé aux organismes européens homologues de l’ABM.

Certains greffons sont soumis à des règles d’attribution spécifiques, parce que le donneur avait une maladie transmissible. Par exemple, les greffons de donneurs porteurs de l’hépatite B peuvent être proposés à des malades ayant une hépatite B ou encore à un patient qu’il faut greffer en extrême urgence car sa vie en dépend. Un traitement par immunoglobulines sera fait pour éviter la récidive. Le même protocole dérogatoire existe pour le VHC, mais est moins utilisé car les équipes de TH sont réticentes a greffer un foie infecté et plus ou moins fibrosé à un patient VHC, qu’il faudra retraiter après la greffe. Les nouveaux traitements permettront peut être de repenser à ces dérogations.

Différents types de greffes de foie

La plus courante est la greffe d’un foie entier qui provient d’un donneur décédé en mort cérébrale. Le foie malade est enlevé et remplacé par le greffon.

Transplantation de foie partiel ou « split »

Le foie est le seul organe qui a la capacité de se régénérer rapidement, il « repousse » en un mois environ, et retrouve le volume initial, comme la queue du lézard qui repousse.

S’il est assez volumineux, un foie entier, prélevé chez un donneur en mort cérébrale, peut être divisé en deux pour être donné à deux receveurs (on parle de TH « split »), pour pallier à la pénurie. Dans la plupart des cas, ce « split » est fait pour permettre une TH chez un enfant et un adulte. Le lobe droit du foie qui représente 70 % de la masse totale du foie, est greffé à l’adulte et le lobe gauche est attribué à un enfant. Il est aussi possible de partager un foie pour transplanter deux adultes de petites tailles. Cette technique a été inventée à l’hôpital Paul Brousse par le Pr Henri Bismuth en 1980, qui avait un seul foie disponible pour deux enfants en insuffisance hépatique aiguë. En 2012, il y a eu 107 greffes par foie partagé.
La TH par donneur vivant

La TH par donneur vivant consiste à effectuer un prélèvement d’une partie du foie chez un membre de la famille ou conjoint compatible et le greffer au receveur, souvent un enfant. Pour les adultes, c’est plutôt le lobe droit, ou le gauche avec des techniques chirurgicales pointues. Le processus de régénération du foie se fait chez les deux personnes. Alors qu’elle est la stratégie principale en Asie où le don d’organe après le décès est quasi-inexistant pour des raisons religieuses, cette méthode est peu utilisée en France pour la TH, hormis les cas d’urgence ou d’attente trop longue, en contexte familial. Elle est plus utilisée pour la greffe rénale, où elle comporte moins de risques pour le donneur, qui garde un rein.

En France, en 2012, il y a eu 9 greffes de foie par donneur vivant, dont 4 pour des enfants et 356 greffes rénales par don du vivant.

La greffe de foie

C’est une chirurgie lourde, très longue et minutieuse, avec un risque hémorragique important car les cirrhotiques ont des troubles de la coagulation et une hypertension dans le foie. Le chirurgien doit remettre bout à bout les canaux biliaires, les artères, les veines venant du tube digestif (veines portes) et les veines repartant vers le cœur (veines hépatiques). Le passage en service de réanimation est systématique pour une surveillance intensive.

Après la greffe

Avant et après la greffe, le traitement par immunosuppresseurs (IS) est donné et de grands progrès ont été réalisés dans ce domaine: plusieurs types d’IS existent (tacrolimus ou ciclosporine, mycophénolate, corticoïdes, évérolimus..,). Ils sont souvent donnés en combinaison et de mieux en mieux maitrisés (interactions, complications, réduction de doses, etc.). Les IS donnent tous des effets indésirables, mais différents. Ils sont choisis selon l’état des patients et les causes de la TH. L’objectif est de réduire les effets indésirables (toxicité rénale, hausse des lipides dans le sang, diabète, cancers, chute de cheveux, diarrhée, infections, thrombopénie, HTA, problèmes pulmonaires, cutanés et articulaires..) à court et long terme, tout en conservant la protection anti-rejet.

Les principales complications immédiates après la TH sont le non-fonctionnement primaire (le greffon « ne marche pas ») et il faut souvent regreffer en urgence, les complications vasculaires (caillot dans l’artère hépatique) ou biliaires, les complications infectieuses très fréquentes à cause des IS et le rejet aigu, survenant en général dans le 1er mois et pouvant être traité (réversible).

Pour les greffes pour cirrhose VHB, les résultats sont excellents, grâce aux immunoglobulines et au traitement antiviral. Ceux qui ont une récidive du VHB sont en général ceux qui ne sont pas observants au traitement post-greffe.

Pour les greffes liées au VHC, c’est la réinfection + ou – précoce du greffon par le VHC resté dans le sang et l’évolution accélérée vers la cirrhose (25% de fibrose F3-F4 en 5 ans), avec un risque de décompensation très important et de perte du greffon qui prédomine. Il faut traiter le VHC dans l’année le plus souvent, par bithérapie ou trithérapie, mal tolérées, aggravant la toxicité rénale et difficiles à gérer à cause des interactions avec les anti-rejets.

Les trithérapies avec télaprévir et bocéprevir en post-greffe ont montré une très mauvaise tolérance, beaucoup d’arrêts de traitement, le recours à l’EPO et aux transfusions systématiques, des hospitalisations et 10% de rejets aigus de greffe et de décès, pour un résultat final d’éradication moyen (RVS à 12 semaines après le traitement : 41% pour télaprévir et 51% pour bocéprévir et pour ceux qui ont atteint les 24 semaines post traitement RVS : 27% pour le télaprévir et 46% pour le bocéprévir), et la, au prix de la tolérance pour ces malades déjà bien malmenés et une majorité de greffés qu’il faudra retraiter pour le VHC.

Les molécules en ATU, permettant des stratégies sans interféron ont changer la donne et facilité le traitement. La 1ère étude en pré-greffe, avec sofosbuvir+ribavirine a montré que les patients qui avaient eu au moins 30 jours d’indétectabilité VHC avant la greffe n’avaient pas de réinfection VHC. En post-greffe, deux études avec sofosbuvir +ribavirine ont montré une efficacité de 77% à 4 semaines après le traitement et de 60% à 12 semaines après.

ANRS Cupilt : efficacité des combinaisons de nouvelles molécules après la greffe

La cohorte ANRS- Cupilt a été lancée en octobre 2013 par le professeur Georges-Philippe Pageaux (Service d’hépato-gastroentérologie, CHU Saint-Eloi, Montpellier). Elle a pour objectif d’évaluer, en vie réelle, l’efficacité virologique des antiviraux à action directe (AAD), chez ces personnes. L’efficacité et la tolérance de différents traitements à base de sofosbuvir (Sovaldi) ont été évaluées en vie réelle au sein de deux études.

Une première étude présentée à l’EASL 2015 par le Dr Audrey Coilly (Hôpital Paul Brousse, AP-HP, Villejuif) a évalué, pour la première fois, les traitements combinant le sofosbuvir (inhibiteur de la polymérase du VHC) et le daclatasvir (inhibiteur de la région NS5A du VHC) avec ou sans ribavirine. A partir de juillet 2013, 256 personnes, transplantées du foie et ayant une récidive de leur hépatite C ont reçu ce traitement pendant trois ou six mois. Les résultats présentés à Vienne se concentrent sur 130 personnes ayant terminé le traitement et dont le délai de suivi est suffisant pour juger de la guérison (12 semaines après la fin du traitement). Pour 48 % d’entre elles, un précédent traitement post-transplantation hépatique avait échoué.

Les résultats présentés concernent 130 patients mono-infectés VHC pour lesquels la donnée de réponse virologique soutenue à la 12e semaine (RVS12) était disponible (hommes : 79 %, âge moyen 59 ± 8 ans [42-83]), avec une récidive de l’infection virale C (G1 107 ; G3 11 ; G4 11 et G5 1). Le délai moyen entre la transplantation et le début du traitement était de 76,2 mois. La durée du traitement était de 24 semaines chez 116 patients. La ribavirine (RBV) était associée à SOF+DVC chez 55 patients (42 %). L’indication du traitement était une récidive sévère de l’infection virale C, incluant 40 patients cirrhotiques et 15 fibroses hépatiques cholestasiantes. Soixante deux patients (48 %) étaient en échec après un précédent traitement conduit en post-transplantation. Les taux de RVS étaient impressionnants avec seulement 2 échecs virologiques (RVS12 = 96 %). La RVS était associée à l’amélioration de la fonction hépatique en cours de traitement chez la plupart des patients. Il n’y avait pas de différence de réponse au traitement entre les patients traités ou non par RBV, mais les patients traités par ribavirine semblaient plus sévères. Vingt trois pour cent des patients ont présenté un effet secondaire grave (ESG), avec arrêt prématuré du traitement dans 2 cas dont un décès (lié à un coma diabétique). Un autre patient est décédé d’une récidive de carcinome hépatocellulaire. Les ESG graves les plus fréquents étaient hématologiques. Une anémie (Hb < 10 g/dl) est survenue chez 49 patients, principalement chez les ceux recevant de la ribavirine (58 % vs 9 %). Aucune interaction médicamenteuse avec les immunosuppresseurs, nécessaires après toute transplantation, n’a été rapportée.

La seconde étude, présentée à l’EASL 2015 par le Pr Georges-Philippe Pageaux, s’est intéressée aux cas les plus graves de récidive du VHC après une transplantation. Les personnes étaient au stade de fibrose sévère (F3) ou de cirrhose (F4). 65 personnes ont reçu pendant trois ou six mois l’un des quatre schémas thérapeutiques suivant : sofosbuvir+daclatasvir (38 personnes) ; sofosbuvir+daclatasvir+ribavirine (20 personnes) ; sofosbuvir+ribavirine (5 personnes) ; sofosbuvir +ribavirine+Peg-IFNa (2 personnes). Trois mois après l’arrêt du traitement, plus de 95 % des personnes présentent une charge virale indétectable quel que soit le traitement reçu. Des effets indésirables sérieux ont été observés chez 25 % des personnes et 9 personnes recevant de la ribavirine ont dû arrêter leur traitement. Enfin, peu d’interactions avec les immunosuppresseurs ont été constatées.

Ces deux études montrent pour la première fois en vie réelle qu’une guérison de l’infection virale C chez les personnes transplantées du foie présentant une réinfection de leur greffon, situations auparavant très difficiles à traiter, est possible. Avec les nouveaux antiviraux à action directe, plus de 95 % des personnes guérissent de l’infection. Avec un schéma thérapeutique court et simplifié on aboutit à une bonne efficacité, une tolérance globalement satisfaisante et un faible risque d’interactions avec les immunosuppresseurs. La prolongation de la cohorte permettra d’avoir confirmation de ces résultats avec un plus grand nombre de patients.

Greffe hépatique et Co-infection

Les co-infectés VIH-VHC ont une récidive virale C plus agressive sur le greffon (fibrose

F3- F4 parfois en un an) et un risque accru (20 %) d’hépatite cholestatique fibrosante (complication grave), avec un risque de 50% de décès, et ceux qui en réchappent ont une cirrhose très accélérée (en deux ans). Parmi les antirétroviraux, l’Isentress permet d’éviter les interactions avec les IS et avec la trithérapie VHC. Jusqu’ici, les résultats de la TH chez les co-infectés VIH-VHC étaient moins bons (la survie à 3 ans est de 60% et de 55% à 5 ans) que ceux des mono-infectés VHC (survie de 75% à 5 ans).

Premières données d’efficacité des anti-viraux directs chez les personnes co-infectées VIH/VHC transplantées
Pour la première fois, des données sur l’efficacité des traitements à base de sofosbuvir chez des personnes transplantées du foie co-infectées par le VIH et le VHC sont présentées à l’EASL 2015. Les analyses ont porté sur 16 personnes de la cohorte ANRS-Cupilt répondant à ces critères. Il s’agissait de personnes difficiles à soigner car elles avaient une récidive de leur hépatite C et dans certains cas une hépatite fibrosante cholestatique (1). Les résultats montrent une réelle efficacité ainsi qu’une bonne tolérance de ces traitements à base de sofosbuvir. 14 (87 %) personnes sont maintenant guéries avec une charge virale indétectable trois mois après l’arrêt du traitement, une seule personne a connu une reprise du virus à la fin du traitement.

La survie des co-infectés VIH-VHB est supérieure à 80 %, quasiment la même que les mono-infectés VHB greffés.

La seconde partie de l’article décrit une solution possible pour diminuer la pénurie de greffons, la greffe solidaire entre séropositifs.

Marianne L’Hénaff

Remerciements au Pr GP. Pageaux pour la relecture de cet article.