Par quel traitement antirétroviral faut-il commencer ?

Les médicaments recommandés en première intention sont Truvada® ou Kivexa®, associé : – soit à l’efavirenz (Sustiva) – soit à une antiprotéase parmi le lopinavir/r (Kaletra®), le fosamprénavir/r (Telzir®) ou l’atazanavir/r (Reyataz®).

 

Le choix thérapeutique initial est une décision essentielle pour l’avenir thérapeutique du patient et doit être effectué par un médecin hospitalier bien formé et expérimenté dans la prise en charge des patients infectés par le VIH.

Objectifs du premier traitement

Un premier traitement antirétroviral doit permettre de rendre la charge virale plasmatique indétectable (< 50 copies/ml) au plus tard à 6 mois après le début du traitement. Au cours de cette période, il convient de s’assurer que cet objectif est susceptible d’être atteint, par une mesure de la charge virale :
– à M1 (c’est-à-dire à la fin du premier mois de traitement), date à laquelle la charge virale (CV) doit avoir baissé d’au moins 2 log10 copies/ml ;
– à M3 (c’est-à-dire à la fin du troisième mois de traitement), date à laquelle la CV doit être inférieure à 400 copies/ml.

Le non-respect de ces objectifs intermédiaires témoigne presque toujours d’une mauvaise observance, parfois d’interactions médicamenteuses ou d’un sous-dosage, qui doivent être recherchés (notamment par dosage plasmatique des IP et INNTI) et corrigés sans délai.

Test génotypique de résistance

Il faut réaliser un test génotypique de résistance avant de commencer un traitement. Il est recommandé de réaliser ce test lors du diagnostic de l’infection par le VIH et de fonder le choix du premier traitement en tenant compte de ces données (voir Chapitre 13). Il est de plus recommandé de renouveler ce test au moment de l’initiation du traitement, en cas de possibles ré-expositions. Dans le cas où le test génotypique n’a pas pu être réalisé au moment de la découverte de l’infection, il est recommandé de le faire au moment de l’initiation du premier traitement, à la fois sur du plasma récent et sur l’échantillon le plus ancien disponible dans la plasmathèque. Cette recommandation est d’autant plus forte que le traitement initial comportera un INNTI. Ce premier test génotypique permet aussi la détermination du sous-type de VIH-1.

Schémas validés

En 2008, de nombreux antirétroviraux sont disponibles (Tableau 5-I), dans six classes médicamenteuses :

  • inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptases inverse (INTI) ;
  • inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptases inverse (INNTI) ;
  • inhibiteurs de protéase (IP) ;
  • inhibiteurs de fusion (IF) ;
  • inhibiteurs d’intégrase (II) ;
  • inhibiteurs du CCR5.

Parmi ces deux dernières classes, le raltégravir et le maraviroc sont en cours d’évaluation chez des patients naïfs dans le cadre d’essais randomisés. Les données disponibles actuellement ne permettent pas de les recommander dans un traitement de première ligne.

Tableau 5-I : Doses et principales précautions d’emploi des antirétroviraux en 2008

1) Inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse

Abacavir, Ziagen® : 300 mg × 2/j ou 600 mg × 1/j
Il est contre-indiqué chez les patients porteurs de l’allèle B*5701. Le risque d’hypersensibilité, quoique faible, chez les patients non porteurs du HLA B*5701, impose toujours une vigilance particulière en début de traitement. En cas d’hypersensibilité avérée ou suspectée, l’abacavir doit être arrêté et sa réintroduction est formellement et définitivement contre-indiquée. L’introduction conjointe d’abacavir et d’un INNTI expose au risque de ne pas permettre l’identification du médicament responsable en cas d’intolérance.

Emtricitabine, Emtriva® : 200 mg × 1/j
Tenir compte d’une éventuelle co-infection par le VHB

Didanosine, Videx® : moins de 60 kg : 400 mg × 1/j – Plus de 60 kg : 250 mg × 1/j – Prendre à jeun
Risque de neuropathie périphérique, de pancréatite. Surveillance lipase.

Lamivudine, Epivir® : 150 mg × 2/j ou 300 mg × 1/j
Tenir compte d’une éventuelle co-infection par le VHB

Stavudine, Zerit® : 30 mg × 2/j
Risque de neuropathie, risque de lipoatrophie. Pas d’indication dans un premier traitement antirétroviral.

Zidovudine, Retrovir® : 300 mg × 2/j
Surveillance NFS (hémoglobine, neutrophiles)

2) Inhibiteurs nucléotidiques de la transcriptase inverse

Ténofovir, Viread® : 245 mg × 1/j, au cours d’un repas
La surveillance de la fonction rénale (par la clairance de la créatinine) et de la phosphorémie est recommandée avant l’initiation du traitement par le ténofovir, puis toutes les 4 semaines pendant la première année de traitement, puis tous les 3 mois les années suivantes. Le risque de néphrotoxicité à long terme (> 3 ans) ne peut pas être précisé actuellement.

3) Inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse

Efavirenz, Sustiva® : 600 mg × 1/j, au coucher
Signes neuropsychiques, souvent transitoires, à l’introduction du traitement. Risque d’éruption cutanée. Inefficacité sur le VIH-2 et les VIH-1 du groupe O. Contre-indication chez la femme enceinte ou n’utilisant pas de contraception efficace. L’introduction conjointe d’abacavir et d’efavirenz expose au risque de ne pas permettre l’identification du médicament responsable en cas d’intolérance.

Névirapine, Viramune® : 200 mg × 1/j pendant 14 jours, puis 200 mg × 2/j
Risque d’éruption cutanée et d’hépatite. Inefficacité sur le VIH-2 et les VIH-1 du groupe O. Non-recommandé si CD4 > 400/mm3 chez les hommes et > 250/mm3 chez les femmes en raison d’une majoration du risque de toxicité. Surveillance des transaminases tous les 15 jours au cours des 16 premières semaines de traitement. L’introduction conjointe d’abacavir et de névirapine expose au risque de ne pas permettre l’identification du médicament responsable en cas d’intolérance.

4) Inhibiteurs de protéase

Toxicité fréquemment rencontrée avec tous les médicaments de la classe : dyslipidémie, hyperglycémie, lipodystrophie, interactions médicamenteuses multiples, troubles digestifs

Atazanavir/r, Reyataz®/Norvir® : 300/100 mg × 1/j, au cours des repas
Hyperbilirubinémie non conjuguée. Dyslipidémie moins fréquente qu’avec les autres IP/r. Interactions avec les inhibiteurs de la pompe à protons.

Indinavir/r, Crixivan®/Norvir® : 400/100 mg × 2/j
Risque de colique néphrétique : nécessité d’une hydratation abondante. Effets rétinoïde-like (xérodermie, ongles incarnés).

Fosamprénavir/r, Telzir®/Norvir® : 700/100 mg × 2/j
Risque de rash

Lopinavir/r, Kaletra® : 400/100 mg × 2/j
Troubles digestifs fréquents, mais habituellement d’intensité modérée. Hypertriglycéridémie, parfois importante.

Saquinavir/r, Invirase®/Norvir® : 1 000/100 mg × 2/j
Dyslipidémie moins fréquente qu’avec les autres IP/r

Tipranavir/r, Aptivus®/Norvir® : 500/200 mg × 2/j
Hyperglycémie. Cytolyse hépatique.

Darunavir/r, Prezista®/Norvir® : 600/100 mg × 2/j, au cours des repas
Risque de rash

5) Inhibiteur de fusion

Enfurvitide (T-20), Fuzeon® : 90 mg × 2/j en sous-cutané
Réactions au point d’injection. Myalgies, pneumonies.

6) Inhibiteur du CCR5

Maraviroc, Celsentri®
Vérifier le tropisme exclusivement R5 du virus. Interactions médicamenteuses : adaptation posologique en fonction des médicaments associés (de 150 mg × 2/j avec des inhibiteurs du CYP3A4 à 600 mg × 2/j avec des inducteurs du CYP3A4). Adapter en cas d’insuffisance rénale. Troubles digestifs, cytolyse hépatique. Se référer aux RCP.

7) Inhibiteur de l’intégrase

Raltégravir, Isentress®
Pas d’interaction avec CYP450. Interaction avec les substrats de l’UGT1A1. Vertiges, troubles digestifs, cytolyse hépatique. Se référer aux RCP.
En 2008, pour un premier traitement, il convient de recourir à une association de trois antirétroviraux (trithérapie), en faisant appel à l’un des schémas « classiques » suivants :

  • deux INTI + un IP potentialisé par le ritonavir (IP/r) ;
  • deux INTI + un INNTI.

Il existe de nombreuses options validées en termes d’efficacité viro-immunologique. Dans le choix, il faut prendre en compte d’autres éléments, tels que la tolérance immédiate, la tolérance à long terme, la simplicité de prise en fonction des conditions de vie des patients et les conséquences d’un échec sur les options ultérieures. Toutes les options efficaces et validées n’ont pas été comparées entre elles, que ce soit sur le critère d’efficacité ou, a fortiori, sur d’autres critères. Les principaux arguments du choix du schéma d’une première trithérapie antirétrovirale sont présentés ci-dessous.

Trithérapie avec IP/r versus trithérapie avec INNTI

L’essai ACTG A5142 a comparé une trithérapie avec efavirenz avec une trithérapie avec lopinavir/r : le taux de réponse virologique était meilleur dans le bras efavirenz. Cependant, il y avait une meilleure réponse immunologique dans le bras lopinavir/r, moins de résistance en cas d’échec et moins de lipodystrophie [29]. Dans une étude de cohorte (ART-CC), la trithérapie comportant zidovudine, lamivudine et efavirenz était associée à la meilleure réponse clinique (en termes de progression de la maladie/décès) [Mugavero MJ, CROI 2007, Abs. 527]. Il reste impossible en 2008 de recommander de recourir préférentiellement à l’un ou l’autre des deux schémas de traitement en première ligne.

Efavirenz versus névirapine

Un seul grand essai randomisé a comparé efavirenz et névirapine dans une trithérapie comportant par ailleurs stavudine et lamivudine [30]. Cet essai a montré que le taux d’échec virologique n’était pas significativement différent entre les patients recevant la névirapine et ceux qui recevaient l’efavirenz, mais l’équivalence n’a pas pu être affirmée. Des analyses complémentaires ont montré qu’il y avait significativement plus d’éruptions cutanées sous névirapine que sous efavirenz chez les femmes ayant plus de 200 CD4/mm3 [31]. L’efavirenz expose à des effets indésirables neurosensoriels fréquents mais transitoires en début de traitement et peut induire, rarement, un syndrome dépressif.

Quand on propose la névirapine chez des patients naïfs, il convient de :

  • ne pas l’utiliser si le nombre de lymphocytes CD4 est supérieur à 400/mm3 chez les hommes et 250/mm3 chez les femmes ;
  • commencer par une dose réduite de moitié pendant les 2 premières semaines ;
  • surveiller les transaminases toutes les 2 semaines pendant les 16 premières semaines de traitement.

Par ailleurs, deux études ont montré que le taux de réponse virologique était inacceptablement bas lorsque la névirapine était associée avec le ténofovir et la lamivudine ou l’emtricitabine, que la névirapine soit administrée en une dose unique quotidienne [Rey D, CROI 2007, Abs. 503] ou en deux doses quotidiennes [Lapadula G, EACS 2007, Abs. P7.3/10].

Autres INNTI

Aucun autre INNTI n’a d’indication en première intention chez le patient naïf.

Choix de l’inhibiteur de protéase

En 2008, l’utilisation d’un IP ne peut se concevoir que potentialisé par l’addition d’une faible dose de ritonavir (100 à 200 mg/j). L’association du ritonavir à faible dose augmente de façon importante l’aire sous la courbe de l’IP associé, en augmentant soit la demi-vie d’élimination (fosamprénavir, indinavir), soit la concentration maximale (lopinavir, saquinavir), ce qui permet de réduire la dose ou la fréquence des prises, mais rend parfois souhaitable le contrôle des concentrations plasmatiques résiduelles de l’IP associé, notamment pour prévenir ou corriger, par une adaptation de la dose, des effets indésirables en rapport avec un surdosage. Parce qu’ils ont une barrière génétique plus élevée que les INNTI, les IP n’entraînent que rarement des résistances précoces à l’ensemble des médicaments de la classe quand les concentrations plasmatiques sont insuffisantes, notamment du fait d’une observance imparfaite.

Le lopinavir est co-formulé avec le ritonavir (200/50 mg ou 100/25 mg par comprimé). La dose standard chez l’adulte est de 400/100 mg 2 fois par jour. Il est actuellement utilisé comme comparateur dans les essais évaluant de nouveaux IP/r. En cas d’échappement virologique, les mutations de résistance ne sont sélectionnées que lentement. Récemment, l’essai M05-730 suggère que le lopinavir/r peut être utilisé avec la même efficacité immunovirologique et la même tolérance en une prise par jour (800/200 mg 1 fois par jour) que le schéma conventionnel en 2 prises par jour (400/100 mg 2 fois par jour) [Gathe J, CROI 2008, Abs. 775].

Le fosamprénavir/r à la dose de 700/100 mg 2 fois par jour a été comparé au lopinavir/r en association avec abacavir + lamivudine. Cet essai a démontré l’absence de différence en termes de tolérance clinique et biologique entre les deux IP/r et la non-infériorité du fosamprénavir en termes d’efficacité immunovirologique à 48 semaines [32]. Les résultats immunovirologiques se maintiennent à 96 semaines [Pulido F, ICAAC 2007, Abs. H-361]. La dose recommandée est de 700/100 mg 2 fois par jour. L’administration à la posologie de 1400/100 mg 1 fois par jour semble possible sous réserve de contrôle des concentrations résiduelles d’amprénavir [33] [Smith K, IAS 2007, Abs. WEPEB023]. Ce schéma fait actuellement l’objet d’un essai thérapeutique de non-infériorité.

Le saquinavir/r à la dose de 1 000 mg/100 mg 2 fois par jour a été comparé au lopinavir/r dans l’essai Gemini [Walmsley S, EACS 2007, Abs. PS1/4] en association avec le ténofovir et l’emtricitabine. La non-infériorité du saquinavir/r a été démontrée sur le plan virologique. La tolérance lipidique est un peu meilleure, notamment pour ce qui est des triglycérides. L’administration du saquinavir/r en une dose unique quotidienne (2 000/100 mg) fait l’objet d’essais en cours.

L’indinavir/r a peu d’indications en première intention en 2008, compte tenu des autres options disponibles. Si l’on souhaite le prescrire, notamment pour tirer parti de sa bonne diffusion cérébrale en cas d’encéphalite à VIH, la dose recommandée est de 400 à 600 mg/100 mg 2 fois par jour, à adapter selon les résultats des dosages dans le plasma et au besoin le LCR.

L’atazanavir/r vient d’obtenir l’AMM en France chez les patients naïfs. L’essai CASTLE a comparé l’atazanavir/r (300/100 mg en 1 prise par jour) avec le lopinavir/r en association avec ténofovir + emtricitabine [Molina JM, CROI 2008, Abs. 37] chez 833 patients naïfs. La non-infériorité virologique de l’atazanavir/r a été démontrée. La réponse immunologique à 48 semaines est identique dans les deux bras. La tolérance lipidique est un peu meilleure pour l’atazanavir/r.

Le tipranavir/r ne doit pas être utilisé dans un premier traitement antirétroviral. Son efficacité chez le patient naïf est moins bonne que celle du lopinavir/r. L’essai 1182.33 conduit chez des patients naïfs a été arrêté en raison d’une efficacité et d’une tolérance moindres. Le darunavir/r a été évalué en comparaison au lopinavir/r dans le cadre de l’essai randomisé ARTEMIS chez 689 patients naïfs [DeJesus E, ICAAC 2007, Abs. H-718b] à la dose de 800/100 mg 1 fois par jour. Sur le plan de l’efficacité virologique, la non-infériorité du darunavir/r a été démontrée. Une efficacité virologique supérieure a également été montrée dans le sous-groupe des patients ayant une charge virale initiale supérieure à 100 000 copies/ml. L’efficacité immunologique est identique. La tolérance clinique, notamment digestive, et la tolérance lipidique semblent meilleures. En 2008, ce produit n’a pas l’AMM en France pour un premier traitement antirétroviral.

Choix des deux INTI de la trithérapie

L’association zidovudine + lamivudine est celle pour laquelle on dispose de plus de données. Elle a démontré son efficacité et sa tolérance au sein de multiples trithérapies. Elle existe sous la forme d’une combinaison fixe (Combivir®) à la dose d’un comprimé deux fois par jour. Les effets indésirables les plus fréquents sont ceux de la zidovudine (intolérance digestive, anémie et cytotoxicité mitochondriale). La toxicité mitochondriale s’exprime cliniquement par une plus grande fréquence de lipoatrophie comparativement à l’association ténofovir + emtricitabine [34].

Les associations ténofovir + (lamivudine ou emtricitabine) offrent l’avantage de permettre une administration en monoprise quotidienne. L’association ténofovir + lamivudine est d’efficacité virologique équivalente à celle de stavudine + lamivudine, mais elle est mieux tolérée et a significativement moins d’impact sur les paramètres lipidiques [35]. L’association ténofovir + emtricitabine existe sous la forme d’une co-formulation (Truvada®, 1 cp/j). Elle est plus efficace tant sur le plan virologique qu’immunologique et mieux tolérée que le Combivir® [34, 36]. Ces trois médicaments (lamivudine, emtricitabine et ténofovir) ayant une activité anti-VHB, il est recommandé d’avoir précisé le statut sérologique VHB du patient avant de prescrire l’un d’eux. L’utilisation de ténofovir impose des précautions particulières, notamment sur le plan rénal (se référer aux RCP).

L’association abacavir + lamivudine offre également l’avantage de la simplicité de prise et de la tolérance (Kivexa®, 1 cp/j). Son efficacité et sa tolérance ont été confirmées dans plusieurs essais, en association avec l’efavirenz [37, 38]. L’essai HEAT a permis d’affirmer la non-infériorité du Kivexa® par rapport au Truvada® en termes d’efficacité virologique [Smith KY, CROI 2008, Abs. 774]. Le risque de survenue de syndrome d’hypersensibilité à l’abacavir (incidence de 5 % environ) est le principal inconvénient de cette association, mais il peut être prévenu par la recherche de l’allèle HLA-B57*01 et la contre-indication définitive de toute prescription d’abacavir chez les sujets présentant cet allèle HLA [39]. En 2008, une analyse réalisée dans le cadre de l’étude D:A:D montre que l’utilisation récente (en cours ou arrêtée depuis moins de 6 mois) d’abacavir ou de didanosine augmentait le risque prédit à 10 ans d’infarctus du myocarde de 90 et 49 %, respectivement, cette augmentation de risque persistant après ajustement supplémentaire sur la CV, le taux de CD4, les lipides, la tension artérielle, la glycémie, la lipodystrophie [40]. Ce résultat est inattendu et n’est pas expliqué par les connaissances physiopathologiques disponibles. Il paraît nécessaire que ces résultats soient confirmés dans d’autres bases de données avant d’en tirer des conclusions pour la pratique.

Fin février 2008, le comité indépendant de surveillance de l’essai ACTG A5202 (essai randomisé contre placebo ayant inclus 1 858 patients naïfs et comparant quatre traitements : 1. efavirenz + emtricitabine + ténofovir ; 2. efavirenz + abacavir + lamivudine ; 3. atazanavir/r + emtricitabine + ténofovir ; 4. atazanavir/r + abacavir + lamivudine) a recommandé de lever l’aveugle chez les patients ayant une charge virale initiale supérieure à 100 000 copies/ml, après avoir constaté dans ce groupe de patients une efficacité virologique moindre de l’association abacavir + lamivudine comparée à emtricitabine + ténofovir. Si ces résultats étaient confirmés, ils pourraient justifier de reconsidérer l’utilisation du Kivexa® en première intention chez les patients ayant une charge virale supérieure à 100 000 copies/ml.

Au total, les deux associations ténofovir + emtricitabine (Truvada®) et abacavir + lamivudine (Kivexa®) offrent l’avantage d’être combinées dans un seul comprimé, d’être administrées à la dose d’un comprimé par jour et d’entraîner peu de cytotoxicité mitochondriale. Elles sont préférées pour un premier traitement antirétroviral.

Les associations stavudine + lamivudine ou zidovudine + didanosine n’offrent pas d’avantages, sont plus contraignantes et/ou moins bien tolérées, notamment en termes de cytotoxicité mitochondriale. La stavudine doit maintenant être utilisée à la dose de 30 mg 2 fois par jour, quel que soit le poids du patient adulte (Addendum to 2006 WHO guidelines on antiretroviral therapy for HIV infection in adults and adolescents, new dosage recommendations for stavudine).

L’association didanosine + stavudine est moins bien tolérée, expose à un risque d’échec plus important que l’association zidovudine + lamivudine, que ce soit en association avec le nelfinavir ou avec l’efavirenz [41]. Son utilisation est formellement contre-indiquée chez la femme enceinte et lors du traitement de l’hépatite C (en raison d’une interaction intracellulaire avec la ribavirine).

L’association didanosine + (lamivudine ou emtricitabine) offre l’avantage de permettre une prise par jour. Elle a été évaluée principalement en association avec l’efavirenz [42, 43]. Dans ce cadre, elle est plus efficace que l’association stavudine + didanosine [42]. Dans une récente analyse de cohorte, cette association s’est avérée d’efficacité et de tolérance supérieures à l’association de référence ténofovir + lamivudine [Carr A, CROI 2008, Abs. 782]. Elle ne doit pas être utilisée avec l’atazanavir non potentialisé par du ritonavir : cette association s’est avérée moins efficace qu’une trithérapie conventionnelle [DSMB essai ACTG 5171, 27 mai 2008].

Trithérapie d’INTI

L’association zidovudine + lamivudine + abacavir, commercialisée sous forme de coformulation (Trizivir®) ne doit plus être utilisée en première intention en 2008 car elle est moins efficace qu’une trithérapie avec efavirenz [44] et chez les patients ayant une charge virale plasmatique initiale supérieure à 100 000 copies/ml [45], sauf éventuellement chez les patients recevant par ailleurs un traitement antituberculeux contenant de la rifampicine, à condition que leur charge virale soit inférieure à 100 000 copies/ml. Aucune autre trithérapie d’INTI ne doit être utilisée comme premier traitement antirétroviral en raison d’un risque élevé d’échec primaire et de sélection de virus résistants.

Stratégies alternatives aux trithérapies conventionnelles

Induction-maintenance

Induction par une quadrithérapie-maintenance par une trithérapie

Plusieurs essais cliniques randomisés ont comparé l’efficacité virologique et la toxicité d’une quadrithérapie par rapport à une trithérapie en première ligne de traitement. La supériorité des quadrithérapies n’a pas été démontrée, quel que soit le schéma testé : 2 INTI + 1 INNTI + 1 IP/r, 2 INTI + 2 IP/r, ou 3 INTI + 1 INNTI. La fréquence élevée des arrêts de traitement pour effets indésirables dans plusieurs de ces essais [46-48] conduit à ne pas recommander cette stratégie (AIa).

Induction par une trithérapie + enfuvirtide-maintenance sans enfuvirtide

Cette stratégie pourrait concerner les patients à un stade très avancé de la maladie (Sida ou taux de CD4 < 100/mm3) et un essai clinique randomisé est actuellement en cours pour l’évaluer (CIII). Chez les patients atteints d’une leuco-encéphalopathie multifocale progressive, les résultats préliminaires d’un essai clinique non comparatif montrent qu’une stratégie d’induction par une trithérapie + enfuvirtide pendant 6 mois puis de maintenance sans enfuvirtide pourrait améliorer la survie à 12 mois [Gasnault J, CROI 2007, Abs. 379].

Induction par une trithérapie + raltégravir ou maraviroc-maintenance sans ces nouvelles molécules

Cette stratégie pourrait concerner les patients à un stade très avancé de la maladie (Sida ou taux de CD4 < 100/mm3). Elle fait l’objet d’essais cliniques. En dehors de ces essais, elle n’est pas recommandée (CIII).

Traitements sans INTI

L’objectif de tels schémas thérapeutiques est d’épargner la classe des INTI pour des traitements ultérieurs et de diminuer les perturbations du métabolisme glucidique, la lipoatrophie et les risques de toxicité mitochondriale liés à l’exposition prolongée aux médicaments de cette classe.

Bithérapie un IP/r + un INNTI

Cette stratégie a été peu étudiée. Un essai comparant une trithérapie conventionnelle à un schéma de ce type a été interrompu en raison d’une moindre efficacité virologique du schéma alternatif[49]. Dans l’essai ACTG 5142, il n’y avait pas de différence d’efficacité du bras efavirenz + lopinavir/r par rapport aux bras 2 INTI + efavirenz et 2 INTI + lopinavir/r. En revanche, en cas d’échec, ce schéma sélectionne rapidement des virus portant des mutations de résistance aux INNTI [Riddler SA, IAC 2006, Abs. THLB0204]. Cette stratégie ne doit pas être utilisée dans le cadre d’un premier traitement antirétroviral (AIb).

Monothérapie et bithérapie d’IP/r en induction

La monothérapie d’IP/r a été évaluée dans l’essai MONARK, qui montre un taux de succès virologique suboptimal [50]. Les bithérapies d’IP/r, que ce soit atazanavir + fosamprénavir/r ou atazanavir + saquinavir/r, ne semblent pas corriger ce défaut de puissance [Landman R, CROI 2008, Abs.779]. Ces stratégies ne doivent donc pas être utilisées pour le traitement des patients naïfs.

Trithérapie et quadrithérapie à trois classes (1 INTI + 1 INNTI + 1 IP/r)

Trois grands essais (ACTG 384, INITIO, FIRST) ont abouti à la même conclusion d’absence de supériorité virologique, avec une plus grande fréquence d’effets indésirables [51-53].
En résumé

Les schémas « induction par une quadrithérapie-maintenance par une trithérapie » ne sont pas recommandés (AIa). La stratégie « induction par une trithérapie + enfuvirtide suivie de maintenance sans enfuvirtide » est en cours d’évaluation et ne peut pas faire l’objet d’une recommandation en 2008 (CIII). Une bithérapie par 1 IP/r + 1 INNTI ne doit pas être utilisée comme premier traitement antirétroviral (AIb). Un traitement constitué exclusivement d’IP/r (monothérapie ou bithérapie) ne doit pas être utilisé comme premier traitement antirétroviral (AIb). Un traitement comportant trois classes d’antirétroviraux (1 INTI + 1 INNTI + 1 IP/r) ne doit pas être utilisé comme premier traitement antirétroviral (AIb).

Tableaux résumant les recommandations pour le choix d’un premier traitement antirétroviral

Les éléments pris en compte par le groupe d’experts ne se sont pas limités aux aspects d’efficacité immunovirologique, mais ont aussi intégré la tolérance immédiate, la tolérance à long terme, la simplicité de prise en fonction des conditions de vie des patients, les conséquences d’un échec sur les options thérapeutiques et les caractéristiques des données disponibles (niveau de preuve).

Associations à utiliser préférentiellement

Trithérapies avec IP
Choisir un médicament dans chaque colonne

Abacavir ———– Lamivudine ——————————
Ténofovir ———- Emtricitabine —————————-
———————————————– Atazanavir/r—-
———————————————– Fosamprénavir/r
———————————————– Lopinavir/r——

Commentaires :
– Abacavir + Lamivudine = Kivexa®
– Ténofovir + Emtricitabine = Truvada®
– ATV/r : 300 mg/100 mg une fois par jour
– FPV/r : 700/100 mg × 2 par jour
– LPV/r : 400/100 mg × 2 par jour

Trithérapie avec INNTI
Choisir un médicament dans chaque colonne

Abacavir ———— Lamivudine ————————–
Ténofovir ———– Emtricitabine ————————
Didanosine ————————————— Efavirenz

Commentaires :
– Abacavir+ lamivudine = Kivexa®
– Ténofovir + emtricitabine = Truvada®
– EFV : 600 mg, une fois par jour, de préférence le soir

Autres options

– Associations de 2 INTI : zidovudine/ lamivudine (Combivir®)
Utilisation possible à la place de Truvada ou Kivexa
Intérêt démontré au cours de la grossesse mais risque plus élevé d’anémie et de toxicité mitochondriale

– Comme IP/r, à la place de l’atazanavir/r, du fosamprénavir/r ou du lopinavir/r : utilisation possible du saquinavir/r à la posologie de 1 000/100 mg 2 fois par jour
Bonne tolérance lipidique, mais peu de données disponibles

– Comme INNTI, à la place de l’efavirenz : utilisation de la névirapine
Alternative possible à l’efavirenz, notamment en cas d’intolérance ou de syndrome dépressif. Respecter les précautions d’emploi et l’administration en deux prises quotidiennes après 2 semaines à demi-dose.

Médicaments et associations à ne pas utiliser

  • Stavudine : La stavudine est l’INTI qui expose au risque de toxicité mitochondriale le plus élevé (lipoatrophie, neuropathie, etc.). Il est toujours possible d’utiliser en première intention un INTI ayant un profil de tolérance plus favorable. L’association stavudine + didanosine expose à une toxicité très importante (cytopathie mitochondriale, lipoatrophie, acidose lactique) ; elle est formellement contre-indiquée chez la femme enceinte et chez les patients traités par ribavirine. L’association stavudine + zidovudine est antagoniste.
  • Ténofovir + abacavir + lamivudine : Défaut de puissance, risque élevé de sélection de virus résistants.
  • Ténofovir + didanosine + N (quel que soit le médicament associé) : Efficacité moindre, toxicité accrue, baisse des lymphocytes CD4.
  • 2 INTI en bithérapie : puissante insuffisante.
  • 1 INNTI + 1 IP/r : Rapport bénéfices/risques non favorable.