Les Manifestations Extra Hépatiques de l’Hépatite C

Les manifestations extra hépatiques (MEH) viennent du fait  que le virus de l’hépatite C (VHC) n’attaque pas uniquement le foie. Il se multiplie aussi dans d’autres tissus et il induit une prolifération des cellules B spécifiques (lymphocytes). Cette réaction exagérée de l’organisme, qui produit beaucoup d’anticorps pour se débarrasser de l’intrus VHC entraîne une inflammation anormale, source de symptômes divers et sans rapport direct avec le foie. Certains anticorps produits par les lymphocytes B sont des auto-anticorps  qui prennent pour cible les cellules saines de l’organisme.

Les MEH sont donc le plus souvent de nature auto-immune. Elles sont parfois révélatrices de la maladie chez les porteurs du VHC non dépistés. Elles sont fréquentes, angoissantes par leur diversité et détériorent la qualité de vie. Trois personnes sur quatre présenteraient au moins un symptôme extra hépatique. Les MEH peuvent à elles seules être une indication de traitement de l’hépatite C.

Les MEH pouvant être liées au VHC sont la fatigue, les cryoglobulinémies mixtes, les arthralgies/myalgies, les néphropathies glomérulaires, le syndrome sec, le prurit, les productions d’auto-anticorps divers (anti-thyroglobulines, antinucléaires, Anti-muscles lisses, anti-thyroglobulines…) les porphyries cutanées tardives, les thrombopénies, les atteintes de la thyroide et peut-être certains lymphomes.

– La fatigue 

dans 35 à 70 % des cas, l’hépatite C entraîne une fatigue généralement modérée mais pouvant être gênante voire invalidante (dans certaines professions). Beaucoup d’études ont prouvé le lien entre fatigue et hépatite C, ainsi que le fait que l’importance de cette fatigue n’est pas proportionnelle à la gravité de l’hépatite. Ainsi, un patient avec une hépatite minime peut ressentir une grande fatigue et inversement une personne avec de graves lésions histologiques peut ne pas se sentir plus fatiguée que ça.

Pour expliquer cette fatigue, le rôle des cytokines (1) produites par le système immunitaire est souvent évoqué, l’hépatite chronique perturberait cette production et son équilibre.

-La fatigue psychique est fréquente aussi et de différents aspects : troubles de l’humeur, anxiété, pertes de mémoire, troubles du sommeil, agressivité, difficultés de concentration.

Ce retentissement neuro-psychique ajouté à la fatigue physique peut conduire à une véritable dépression chronique.

– Les cryoglobulinémies mixtes (CM)

Elles sont caractérisées par un mélange d’anticorps ou immunoglobulines (IgG et IgM avec une activité facteur rhumatoïde).

Les cryoglobulines sont des complexes immuns qui se gélifient au froid (2) et redeviennent solubles lors du réchauffement. Elles sont composées d’anticorps (IgG et IgM) « excessifs » liés à des constituants du virus (antigènes).Les cryoglobulines sont des « envahisseurs », pouvant se déposer autour des vaisseaux sanguins. Le syndrome de cryoglobulinémie mixte est la conséquence d’une vascularite (inflammation du système vasculaire) touchant essentiellement les vaisseaux de petits et moyens calibres. La cryoglobuline se met en évidence dans le sérum par une prise de sang et un examen de laboratoire un peu délicat.

Environ 50 % des porteurs d’hépatite C chronique ont une cryoglobulinémie mixte positive et  25 % de ces CM positives donneraient des symptômes portant surtout sur la peau, les articulations, les nerfs, les muscles et les reins, a cause de ces « dépôts »

– Les manifestations cutanées 

Elles sont variées et tout un bouquet de couleurs est possible…

– Le purpura vasculaire : ce sont de petites tâches rouges sur la peau (infiltrations de globules rouges dans le derme) débutant toujours aux membres inférieurs et pouvant remonter jusqu’à l’abdomen. Il se manifeste surtout l’hiver, par crises intermittentes et peut être déclenché par la station debout et les efforts prolongés. Ces poussées purpuriques qui ‘’montent’’ durent de 3 à 10 jours, sont souvent précédées d’une sensation de brûlure et peuvent laisser une couleur brunâtre en séquelle.

– Le livedo : ce sont des marbrures rouges ou violettes se dessinant sur la peau.

– Le syndrome de Raynaud : c’est un vasospasme (contraction des petits vaisseaux sanguins) des mains, des orteils, voire du nez…Ces spasmes des vaisseaux concernés sont déclenchés par le froid et se passent en trois phases : les mains ou orteils deviennent blancs, puis bleus, puis rouges avec des picotements. Le syndrome de Raynaud peut se compliquer (rarement) d’un ulcère supramalléolaire (à la cheville).

– Les porphyries cutanées tardives : l’épiderme devient hypersensible au soleil et à la lumière, se traduisant par l’apparition de poils très fins sur les joues ou le nez. Des petites bulles peuvent apparaître sur le dos des mains, la peau peut prendre une coloration brunâtre par endroits et on trouve des uroporphyrines dans les urines.

– Le lichen plan : ce sont des plaques de boutons rougeâtres irréguliers, plats, qui démangent. Localisé le plus souvent aux poignets, aux épaules, dans le bas du dos, sur les organes génitaux, il peut aussi se nicher dans la bouche et entraîner alors une modification du goût (sensibilité aux épices).

– Le prurit ou démangeaison : il serait surtout associé à des lésions déjà sévères du foie. Il existe des traitements spécifiques et efficaces pour y pallier, ce qui évite les cicatrices de « grattages ». Il est souvent apparié à une sécheresse anormale de la peau.

– Les manifestations articulaires

Les arthralgies ou douleurs des articulations sont les plus fréquentes, non déformantes et prédominantes aux mains et genoux. On observe plus rarement la forme arthrite avec gonflement des articulations (présence de liquide inflammatoire).

Les arthralgies s’aggravent au froid, donnent douleurs et raideurs et obligent souvent à effectuer un « dérouillage matinal ». Elles seraient présentes chez 25 % des patients, associées ou non à des myalgies (douleurs musculaires), à des crampes,  à des impatiences (mouvements incontrôlés des jambes et des mains)

– Les atteintes neurologiques périphériques

Ces atteintes liées à la CM sont fréquentes, peuvent toucher un ou plusieurs nerfs et  sont de sévérité variable, allant de simples paresthésies (sensations anormales de fourmillements, picotements ou un manque de sensibilité au contraire) aux multinévrites sévères avec troubles moteurs et altération de l’état général avec fièvre.

– Les atteintes neurologiques centrales (système nerveux central) : elles sont rares mais très graves. Des tableaux d’encéphalopathies à VHC avec troubles de la conscience  pouvant aller jusqu’au coma ont été rapportés.

– Les atteintes rénales : les néphropathies glomérulaires sont la conséquence directe de ces CM et peuvent être responsables de fuites urinaires de protéines et de globules rouges et sont souvent associées à de l’hypertension artérielle. Elles peuvent donner à la longue des tableaux d’insuffisances rénales, plus ou moins graves.

– Le syndrome sec ou pseudo syndrome de Sjögren (dans 10 à 20% des cas) : il est le plus souvent lié à la présence d’une CM qui entraîne une diminution de la production de la salive et des larmes et une augmentation des risques d’avoir des candidoses, herpès, aphtes, fissures des lèvres. Ce syndrome sec est surtout  buccal, oculaire et vaginal.

– Les affections thyroïdiennes : sous la forme d’hypothyroïdie ou d’ hyperthyroïdie et/ou la présence d’auto-anticorps antithyroïdiens. Leur prévalence  est variable selon les études, de 10 à 20 %. Le plus souvent, la présence de ces anticorps antithyroïdiens ne s’accompagne pas d’anomalie de la fonction thyroïdienne et la TSH (thyréo-stimuline hormone) est normale. En cas de présence de ces auto-anticorps avant le traitement anti-VHC, les risques d’apparition d’une thyroidite sont augmentés par le traitement du VHC (interféron et ribavirine).

– Les thrombocytopénies : ou manque de plaquettes, qui jouent un rôle important dans la coagulation du sang. Elles se manifestent par un retard de la coagulation lors de coupures et de « bleus » excessifs.

La liste de ces MEH est longue et déprimante. Pris à part, certains symptômes peuvent être jugés anodins mais l’accumulation de « petits symptômes », en diminuant la tolérance à chacun d’eux peut finir par devenir un gros problème et justifier à eux seuls la mise en route d’un traitement de l’hépatite C si les traitements symptomatiques des MEH (médicaments spécifiques, kinésithérapie, yoga, acupuncture…) ne marchent pas ou n’existent pas. Le fait de savoir que ces MEH sont liées à l’hépatite C est très important pour les patients ainsi que les conseils et le soutien pour les gérer (3)

Le traitement de ces manifestations extra-hépatiques :

C’est le traitement de l’hépatite C, peg-interféron en association avec la ribavirine avant, et maintenant avec les nouvelles molécules, la durée du traitement dépendant du génotype du virus, d’une co-infection possible avec le VIH, de la réponse au traitement et de sa tolérance. Les MEH sévères sont une des indications « restreintes » des nouveaux anti-viraux directs du VHC (Sovaldi, Olysio, Daklinza…), qu’ils soient en AMM ou en ATU.

Beaucoup de ces symptômes  extra-hépatiques disparaissent rapidement dès la mise en route du traitement, ou s’atténuent. D’autres s’aggravent pendant le traitement, surtout la fatigue, le syndrome sec, le lichen plan, la dépression et les problèmes thyroïdiens.

Il n’y a pas de règle générale, le succès du traitement peut être total, éradication du virus C et guérison des MEH ou les symptômes peuvent s’envoler le temps du traitement puis revenir, ou encore un demi-succès est possible avec une grande atténuation des problèmes et une hépatite un peu « matée » mais non guérie…

Si le traitement ne fait pas régresser les MEH, il est possible d’avoir recours à d’autres traitements spécifiques à chaque MEH. Il faut parfois consulter divers spécialistes (dermatologues, rhumatologues, neurologues…), avoir recours à d’autres stratégies (antiCD20, corticoïdes, ciclosporine ou autre traitement immunosuppresseur, plasmaphérèse..) si les symptômes persistent ou s’aggravent pour retrouver du moins en partie une qualité de vie digne de ce nom.

Marianne L’Hénaff

(1) Les cytokines  sont les messagers chimiques de la communication intercellulaire, grâce à ces substances les cellules échangent des informations entre elles. L’interféron, l’interleukine 2 et l’ EPO sont des cytokines.
(2) cryos (grec) = froid
(3) Les fiches « être hépatant » de SOS HEPATITES se trouvent dans les associations de SOS et sur leur site : www.soshepatites.org