Lutter contre les lipodystrophies

Les lipodystrophies sont un effet indésirable connu et reconnu des traitements antirétroviraux. Elles peuvent prendre deux formes : la lipoatrophie (perte de graisse en particulier au niveau du visage, des membres, des fesses, avec veines apparentes) et la lipohypertrophie (prise de graisse, en particulier au niveau du ventre, de la poitrine pour les femmes, de la nuque et du cou). Des solutions existent pour réduire le risque d’apparition des lipodystrophies ou en corriger les effets.

Un effet indésirable particulièrement difficile à vivre

Des personnes atteintes par le VIH/ Sida et prenant un traitement antirétroviral peuvent présenter des anomalies de répartition du tissu adipeux. Ces anomalies – appelées lipodystrophies – sont un effet indésirable connu et reconnu des traitements antirétroviraux ; elles peuvent prendre deux formes : la lipoatrophie (perte de graisse en particulier au niveau du visage, des membres, des fesses, avec veines apparentes) et la lipohypertrophie (prise de graisse, en particulier au niveau du ventre, de la poitrine pour les femmes, de la nuque et du cou).
A titre d’exemple, dans l’étude ANRS 113 LIPIOT menée chez des patients lipoatrophiques exposés à des antirétroviraux depuis plus de 7 ans, la masse graisseuse périphérique (par opposition à la masse graisseuse viscérale, qui se trouve autour des organes) variait entre 2,6 et 3,2 kg ; cela correspond à une perte d’environ 50 % du tissu graisseux.

Ces effets indésirables étaient très fréquents avec les premiers traitements utilisés pour contrôler l’infection par le VIH (d4T,didanosine, indinavir). Depuis quelques années, de nouveaux médicaments antirétroviraux sont arrivés sur le marché ; ils paraissent mieux tolérés du point de vue de la répartition des graisses. Il est donc fondé d’espérer que ce problème de lipodystrophies disparaisse, à terme.
Malheureusement, lorsque les lipodystrophies sont installées chez une personne, il est très difficile de les faire régresser : le recours à l’activité physique, à une alimentation équilibrée et l’arrêt des traitements en cause permettent des améliorations, mais celles-ci peuvent demeurer minimes. En particulier, reprendre de la graisse à certains endroits du corps (dans la zone sous-cutanée, au niveau du visage, des fesses, des bras et des jambes) s’avère très difficile. Aujourd’hui encore, des personnes souffrent de tels problèmes.

Au delà de l’aspect esthétique (d’importance forte dans notre société), les lipodystrophies peuvent avoir des conséquences thérapeutiques, psychologiques, affectives et sociales majeures : une personne qui ne supporte pas les transformations de son corps peut perdre son estime d’elle-même ; elle peut également perdre confiance en son traitement antirétroviral, et baisser les bras en laissant la maladie VIH progresser. Des humeurs dépressives ou des dépressions sont, on le sait, des facteurs défavorables face à la maladie. Cette perte d’estime peut également conduire à des attitudes de repli affectif et social : ne plus vouloir se montrer aux autres, ne plus vouloir voir et rencontrer les autres… En outre, dans le cas d’amaigrissements importants, des douleurs physiques peuvent être ressenties au quotidien (douleur en position assise, allongée, impossibilité de maintenir une position identique plus d’un certain temps…).

Pour toutes ces raisons, les lipodystrophies doivent – tant qu’elles existent – être une préoccupation majeure pour tous les acteurs de santé impliqués auprès des personnes atteintes par le VIH.

Prévention des lipodystrophies

Il faut prévenir les lipodystrophies, lorsque cela est possible :

  • en évitant les médicaments connus comme pouvant les provoquer, notamment en n’utilisant pas la d4T (Zerit®) à doses pleines de 40 mg deux fois par jour (l’Organisation mondiale de la santé a reconnu que cette dose était trop élevée et qu’il fallait lui préférer la dose de 30 mg deux fois par jour) ;
  • en s’efforçant d’avoir une alimentation et une activité physique adaptées ;
  • en surveillant régulièrement une éventuelle modification du corps afin de détecter toute anomalie (mesures du poids, du tour de taille, du tour de hanches, du tour de poitrine).
    Il est toujours préférable de prévenir l’apparition des lipodystrophies, notamment parce qu’aucun traitement curatif ne permet actuellement de s’en débarrasser complètement et parfaitement.

Lutter contre les lipodystrophies

Lorsqu’elles sont installées et font souffrir la personne, les lipodystrophies doivent être prises en compte :

  • si cela est encore pertinent et possible, en modifiant le traitement antirétroviral en cours ;
  • si cela n’a pas déjà été fait, en apportant des éléments sur l’alimentation, sur les activités physiques adaptées (il est possible d’avoir une activité physique sans pratiquer un sport trop éprouvant) ;
  • en prenant des mesures thérapeutiques ou médicales : certains traitements ont été évalués ou sont en cours d’évaluation dans les lipodystrophies. Nous les détaillons ci-dessous. Des interventions peuvent aussi permettre de corriger des amaigrissements trop importants ou certaines prises de graisses. L’accès à ces interventions reste malheureusement difficile en France.

Les traitements médicamenteux

  • Un essai promu par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), l’essai LIPIOT ANRS 113, a mis en évidence une relative efficacité d’un traitement d’un an par pioglitazone (Actos®, un médicament normalement utilisé dans le diabète de la classe des thiazolidine-diones) pour récupérer de la graisse sous-cutanée : ainsi, la variation de masse graisseuse périphérique a été estimée à +12 % chez les personnes prenant le traitement par pioglitazone (gain de 0,38 kg avec la pioglitazone, versus 0,05 kg avec le placebo).
  • D’autres traitements sont en évaluation dans la lipoatrophie : la pravastatine dosée à 40 mg/j (médicament normalement utilisé comme hypocholestérolémiant, et commercialisé sous les noms Elisor® ou Vasten®), étudiée chez un petit nombre de patients (33) pendant 12 semaines, a permis un gain significatif de graisse périphérique (+ 0,72 kg en moyenne). L’uridine a également montré des résultats encourageants chez 20 patients après 3 mois de traitement, mais doit être étudiée à plus large échelle.
  • Plusieurs traitements ont été évalués dans les lipohypertrophies de l’abdomen (testostérone, metformine ou Glucophage®, hormones de croissance). Malheureusement, aucun de ces traitements n’est actuellement recommandé ; le rapport bénéfices / risques n’est pas en faveur de leur utilisation dans cette indication.

Chirurgies de la lipoatrophie

L’autogreffe de tissu adipeux ou lipostructure par la technique de Coleman
Cette chirurgie consiste à effectuer un prélèvement de graisse à un endroit où la graisse est en quantité normale ou excédentaire (le plus souvent au niveau du ventre). La graisse est ensuite centrifugée puis réinjectée sous la peau au niveau des zones amaigries. Cette méthode n’est praticable que si la quantité de graisse à prélever est suffisante, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas chez les personnes atteintes par le VIH. L’intervention nécessite une anesthésie générale. Après l’opération, la graisse peut parfois se résorber en quelques années et une ré-intervention chirurgicale peut être nécessaire.
Cet acte chirurgical peut être pris en charge par la Sécurité sociale (après accord préalable) pour les personnes souffrant de lipoatrophies liées aux traitements de l’infection par le VIH. Les chirurgiens pratiquant cette technique sont malheureusement peu nombreux en France.

Pour les fesses trop maigres : la pose de prothèses
Lorsque les fesses sont vraiment très amaigries, la pose de prothèses peut permettre de restaurer un volume relativement important. Attention : les prothèses sont implantées « en latéral », i.e. sur les côtés des fesses, et ne permettent donc pas de combler une perte des graisses situées au niveau des points d’appui (ischions, coccyx). Cependant, elles améliorent indirectement le confort en répartissant mieux les pressions en position assise.
La pose de prothèse nécessite une anesthésie générale. Si la cicatrice de l’intervention est quasiment invisible (elle est située dans le prolongement de la fente rectale), en revanche, les contours de la prothèse peuvent être visibles en l’absence de graisse sous-cutanée. Avant de recourir à cette intervention, il est donc crucial d’avoir une idée très claire des possibilités et des limites du résultat.
Les chirurgiens formés à la pose de prothèses de fesses sont peu nombreux en France. Cet acte nécessite une bonne expérience pour que le résultat soit de qualité.

La pose de prothèses de fesses n’est pas officiellement reconnue comme un acte de chirurgie réparatrice par la Sécurité sociale, et n’est donc pas remboursée. Exceptionnellement, sur accord préalable de la caisse d’Assurance maladie, certaines personnes ont pu accéder à une prise en charge au moins partielle des coûts de cette intervention.
On peut s’étonner que, bien qu’elles soient consensuellement considérées comme des effets iatrogènes des médicaments, les lipoatrophies sévères des fessiers ne soient plus considérées comme telles lorsqu’il s’agit de prendre en charge le coût de leur réparation. Le recours aux prothèses de fesses chez les personnes souffrant de lipoatrophies liées aux traitements du VIH semble pourtant comparable au recours aux prothèses de seins chez les femmes opérées d’un cancer.

Prothèses et Coleman
Si la technique de Coleman est praticable, il est possible d’associer la pose de prothèses et des injections de graisses au niveau des ischions et du coccyx.
Il est également théoriquement possible d’associer la pose de prothèses de fesses à l’injection, au niveau des ischions et du coccyx, d’un produit de comblement très épais : le BioAlcamid® (gel de poly-alkylimide, commercialisé par Polymekon, un laboratoire italien). Malheureusement, depuis quelques mois, ce produit est devenu beaucoup trop cher pour être accessible aux personnes ; il n’est, par ailleurs, absolument pas pris en charge par la Sécurité sociale.

Chirurgie de la lipohypertrophie et autres interventions
En cas d’accumulation importante et invalidante de graisses au niveau du ventre, de la poitrine ou du cou, il est possible d’avoir recours à un remodelage par une technique de lipoaspiration. Attention : cette technique ne permet que le retrait du tissu adipeux sous-cutané, et non celui du tissu adipeux profond (ou viscéral), situé autour des organes internes, et représentant souvent une bonne partie du volume abdominal.
Ces opérations peuvent être remboursées par la Sécurité sociale, après demande d’entente préalable auprès des caisses d’Assurance maladie.

Lorsqu’une intervention chirurgicale n’est pas praticable (impossibilité de faire une anesthésie générale) ou non souhaitée, il est parfois possible d’avoir recours aux ultra-sons pour se débarrasser d’une accumulation de graisses inesthétique, notamment au niveau de la nuque (bosse de bison). Attention : cette technique est onéreuse (500 euros la séance, à raison de 3 séances pour une réduction de bosse de bison), et non prise en charge par la Sécurité sociale.
Les ultra-sons sont principalement utilisés en esthétique, pour éliminer les bourrelets de graisses sans recours au bistouri. Pour un bon résultat, la graisse doit être superficielle, localisée. La graisse détruite par les ultrasons est éliminée dans le sang, puis dans les selles.
Il faut donc, de préférence, présenter un bilan lipidique (triglycérides et cholestérol) normal et un bilan hépatique correct avant l’intervention, pour éviter les pics lipidiques dans le sang. L’élimination de la graisse se fait en plusieurs séances, au cabinet du médecin. En théorie, les résultats sont définitifs, mais le faible recul existant sur cette technique ne permet pas encore d’être totalement affirmatif sur ce point.
Pour connaître la liste de médecins équipés de cette machine, contactez la ligne InfoTraitements d’Actions Traitements ou la société UltraShape France (machine ayant servi à « effacer » les bosses de bison de quelques personnes) ou le conseil de l’ordre des médecins du département doit pouvoir communiquer le nom d’un médecin possédant la machine.
Pour en savoir plus : Contactez la ligne InfoTraitements d’Actions Traitements : 01 43 67 00 00 (du lundi au vendredi de 15 h à 18 h) – e-mail : at@actions-traitements.org
UltraShape France SAS :

Produits de comblement pour les lipoatrophies du visage
Il existe de nombreux produits plus ou moins résorbables pour combler les lipoatrophies du visage :

  • l’acide polylactique (New Fill®), résorbable en 1 an et demi environ,
  • l’acide hyaluronique (résorbable en 3 mois) et ses dérivés, plus ou moins rapidement résorbables,
  • les polyacrylamides (type Aquamid® et Eutrophill®) : résorbables en 3 à 5 ans,
  • le polyalkylimide (BioAlcamid®) : non résorbable, mais que l’on peut retirer par une intervention au cabinet médical.

Acide polylactique (New Fill®) (Voir la fiche du produit)
Résorbable et immunologiquement inerte, l’acide polylactique est plus un produit d’épaississement du derme qu’un véritable produit de comblement. Il est utilisé en chirurgie orthopédique et maxillofaciale ainsi que pour la correction des rides et cicatrices. Son mécanisme d’action repose sur une augmentation de la production de collagène par stimulation de la formation de fibroblastes et augmentation de la fibrose. L’efficacité du New Fill® dans la lipoatrophie des patients VIH a été démontrée. La durée de l’efficacité du traitement peut être estimée de 1 à 3 ans.
Limites :

  • Des nodules sous-cutanés (boules sous la peau), non visibles, mais palpables peuvent survenir. Afin de les éviter, la maîtrise de la technique de préparation du produit, de la peau, et de la méthode d’injection est cruciale.
  • Le New Fill® stimulant aussi la fibrose du tissu, il est préférable de choisir un autre produit en cas de dermabrasion antérieure ou de traitement par Roaccutane® (isotrétinoïne) pour l’acné.
  • Plus la peau est abîmée, moins le résultat est beau. Le New Fill® n’améliore pas l’aspect de la peau, il ne fait que donner du relief, ce qui peut faire ressortir certaines imperfections.
  • Sur des lipoatrophies profondes et anciennes, le New Fill® n’est pas toujours efficace et il faut envisager une autre solution si aucun bénéfice substantiel n’est noté après une série de cinq à huit injections.

Depuis février 2005, le New Fill® (environ 295 euros la boîte) et son acte d’injection (à hauteur de 62,50 euros par séance) au cabinet médical sont pris en charge à 100 % pour les personnes infectées par le VIH. (Les modalités de remboursement du New Fill® et de l’acte d’injection et la liste des médecins injecteurs sont disponibles sur le site TRT-5.)

Acide hyaluronique
L’acide hyaluronique est un polysaccharide, composant de la matrice extracellulaire du derme. Bien toléré, il agit en piégeant l’eau et possède de fortes propriétés volumatrices. Mais la résorption du produit est rapide (quelques mois) et son utilisation revient assez cher à force de « retouches ».
Le Restylane SubQ®, une nouvelle forme d’acide hyaluronique, serait plus stable et son effet plus durable (de 6 à 18 mois).
A ce jour, aucun de ces produit n’est pris en charge par la Sécurité sociale pour les personnes atteintes par le VIH. Les séances d’injection coûtent entre 200 et 500 euros en esthétique (dans le cas des lipoatrophies, le volume à injecter peut être plus élevé, et donc le tarif aussi…).

Eutrophill® (ProCytech)
Ce gel de polyacrylamide est formulé pour agir comme substitut temporaire de la matrice extracellulaire et être dégradé progressivement sur environ 5 ans. Des essais cliniques évaluant la tolérance et l’efficacité de l’Eutrophill® sont en cours. A ce jour, ce produit n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale pour les personnes atteintes par le VIH.

BioAlcamid® (Polymékon)
Le BioAlcamid® est un gel d’alkylimide non résorbable. Il n’est pas injecté dans le derme comme les précédents produits cités, mais sous le derme, comme la graisse dans la technique de Coleman. C’est une « endoprothèse injectable » qui permet d’apporter des volumes moyens à importants et donc de combler des lipoatrophies profondes en une seule séance, avec un résultat immédiatement visible. Une fois injecté dans l’organisme, le gel s’entoure d’une membrane souple et stable de 0,02 mm d’épaisseur, recréant une sorte de « poche » sous le derme. En cas de surcorrection, il est possible de retirer une partie ou même la totalité du gel injecté.
L’aiguille d’injection est grosse (type trocart). Malheureusement, le coût de ce produit est très élevé, et à la charge du patient.

En savoir plus sur les actes médicaux relatifs aux lipodystrophies